ACCORDAGE
Psychothérapie du lien et des mondes relationnels
H.T.S.M.A.
Classiquement l’événement traumatique est défini comme un événement brutal, imprévisible qui met la personne en situation d'impuissance et la met en relation avec la mort physique, psychique (folie) ou sociale (rejet). La particularité des traumatismes développementaux ou complexes est la répétition de ces événements dans le quotidien de la personne (ex : violences intra-familiales).
Lors de l’événement la personne va se retrouver en situation de stress dépassé, un stress sans solution (la fuite ou l'attaque sont impossibles).
Tous les événements potentiellement traumatiques n'amènent cependant pas de psycho-traumatisme. En effet de nombreuses ressources peuvent se mettre en œuvre qui vont permettre à la personne de « digérer» l’événement qui va alors devenir un mauvais souvenir sans effet dans le présent. Parmi ses ressources certaines sont liées aux circonstances de l’événement, d'autres au contexte relationnel dans lequel la personne évolue (soutien de l'entourage familial, amical, reconnaissance sociale, valeurs morales ou spirituelles ...) d'autres encore aux ressources individuelles de la personne.
Certains événements qui ne correspondent pas à la définition d'un événement traumatique peuvent au contraire entraîner un psycho-traumatisme soit parce qu’ils se produisent dans un moment de vulnérabilité, soit parce qu’ils se reproduisent de nombreuses fois, soit parce qu'ils touchent des personnes avec lesquelles l'engagement affectif est fort.
Que se passe t'il en cas de psycho-traumatisme ?
La personne ressent des effets dans le présent alors que l’événement appartient au passé. Ces effets sont multiformes ils peuvent aller des résurgences traumatiques (l’événement revient brutalement dans la pensée accompagné d'un envahissement émotionnel) aux troubles du sommeil (cauchemars, insomnie) en passant par l’hypervigilance, les peurs, la dépression...
Comment agir ?
La première chose est de remettre la personne en sécurité. Elle doit être sortie de la situation avant toute prise en charge efficace. A quoi sert-il par exemple d'aider un enfant en situation de maltraitance si cela justifie de la laisser dans une situation où il continue à subir ? Cela pourrait lui renvoyer que la situation qu'il vit est normale et que c'est à lui de s'adapter.
Dans le cas où la personne est en sécurité. Il s'agit d'abord de rassurer. Ce qu'elle ressent est normal, elle n'est pas folle elle est juste une personne humaine et sensible.
Les ressources les plus puissantes sont les ressources relationnelles : écoute, compréhension. Les situations les plus « traumatisantes » sont celles qui déshumanise la personne. Il s'agit donc de la traiter comme une personne humaine, avec ses forces, ses failles mais qui compte pour les autres.
Très souvent ces évènements traumatiques vont détruire l'image que la personne a d'elle même « je suis nulle, je ne sais pas me défendre » ou des autres « on cherche toujours à me faire du mal »...Elle doit pouvoir se reconnecter avec ses ressources relationnelles et personnelles.
La prise en charge thérapeutique :
En Psychothérapie il s'agira de s'appuyer prioritairement sur la relation humaine à travers la relation patient/thérapeute mais aussi à travers des expériences passées où la personne a été soutenue, accompagnée.
Dans les situations les plus anciennes ou les plus difficiles une prise en charge spécifique est nécessaire. La thérapie du lien et des mondes relationnels (ou HTSMA) propose de retravailler le souvenir pour lui faire perdre son pouvoir destructeur dans le présent.
Contrairement à d'autres approches thérapeutiques il ne s'agit pas de replonger la personne dans le passé mais de faire revenir le souvenir dans le présent en utilisant diverses techniques hypnotiques et relationnelles. Une petite partie du souvenir va alors être questionnée, la relation avec lui va être transformée afin que la personne puisse le ranger dans son passé et ne plus subir d'effet négatif dans le présent.
Eric Bardot, concepteur de la Thérapie du lien et des mondes relationnels a aujourd'hui, au delà de la prise en charge individuelle en psychothérapie, mis au point une approche groupale permettant d'intervenir rapidement après une situation difficile afin de prévenir la survenue d'un psycho-traumatisme. Cette approche appelée DAEG (Désactivation Affectivo-Emotionelle Groupale ) est destinée aux groupes constitués (équipe professionnelle, famille.;) ou non, ayant subi une même situation de stress.
Le Cabinet Accordage est composé de Thérapeutes formés en Thérapie du lien et des Mondes relationnels. Il propose donc à la fois une prise en charge thérapeutique individuelle en cas de syndrome post traumatique, mais aussi la possibilité d'intervenir après un évènement dramatique en DAEG au près d'équipes professionnelles.
COLLOQUE
De la résilience à la croissance
post-traumatique
rencontre avec Stéphane Roy, codirecteur de l’institut Mimethys
Le 4e congrès de Mimethys s’intitule Sidération, effondrement, renaissance. De la résilience à la croissance post-traumatique. Nous entendons régulièrement parler de résilience dans le champ du psycho traumatisme. A contrario, la croissance post-traumatique semble être un concept moins répandu. Pourriez-vous le définir pour nous?
L’intérêt pour la croissance post-traumatique (CPT) est relativement récent en France. Elle désigne l’ensemble « des changements psychologiques positifs résultant de la confrontation, de la lutte avec tout événement de vie défiant hautement les ressources de l’individu ». Cette définition propose qu’une personne confrontée à une situation grave mettant en jeu sa survie parviendrait non seulement à dépasser la crise induite par le traumatisme, mais également à en provoquer des changements intérieurs majeurs et positifs. Cette croissance personnelle, par un processus adaptatif continu, conduit la personne à redéfinir son système de valeurs. Au terme du processus, l’événement vécu est considéré comme un apport indéniable, un tournant majeur dans la vie de la personne.
En quoi est-ce différent de la résilience?
La résilience se définit comme la « capacité à maintenir un niveau de fonctionnement physique et psychologique relativement stable face aux pertes ou aux événements menaçants qui surviennent au cours de la vie. » Elle correspond à un retour au niveau de fonctionnement psychologique pré-traumatique, contrairement à la CPT qui va au-delà du rétablissement en dépassant ce niveau.
Quelles sont les phases de développement de la Croissance Post Traumatique?
Trois étapes sont décrites dans la littérature.
La première étape est celle de la compréhensibilité. L’individu cherche à comprendre ce qui lui est arrivé. Il repense délibérément, ou malgré lui, à l’événement traumatique, à sa vie passée et présente, à sa façon de se voir et de voir les autres.
La deuxième étape correspond à la gestion à proprement parler du traumatisme. Elle implique la gestion des ruminations mentales et le développement de moyens pour traiter les émotions pénibles. La mobilisation des ressources intérieures et relationnelles permet de dépasser cet état.
La dernière étape est celle de la signification. Comment donner du sens à l’événement vécu qui modifie la façon de percevoir le monde, les autres et soi-même. Il s’agit de pouvoir redonner une structure cohérente au récit en lien avec l’événement.
Selon vous, quel est l’intérêt de prendre en compte ce phénomène?
S’intéresser à la CPT, c’est s’intéresser aux retombées « positives » de l’exposition à un évènement traumatique, même si cela peut paraître contre-intuitif.
En général, les recherches se focalisent sur les réactions dysfonctionnelles, dont la présence ou l’absence de symptômes pathologiques. Or, l’étude des conséquences négatives ne fournit pas une compréhension complète des réactions post-traumatiques. Les changements négatifs et positifs après l’adversité doivent être considérés pour avoir une approche holistique du sujet.
Et comment est-ce possible?
Au sein de l’institut Mimethys, nous proposons une formation à la Thérapie du Lien et des Mondes Relationnels qui s’appuie sur le concept de CPT. Elle propose une approche systémique et interactionnelle qui accompagne le patient à prendre appui sur la relation thérapeutique pour mobiliser ses propres ressources figées par le traumatisme. L’objectif étant la dissolution du vécu de souffrance, mais aussi la construction d’une histoire alternative à travers un nouveau monde relationnel.
Quand vous parlez de monde relationnel, qu’est-ce que cela signifie?
L’être humain se développe en interaction avec le monde qui l’entoure, que ce soit sur un plan environnemental, affectif et représentationnel. Tous ces liens constituent une sorte de paysage mental qui définit en retour le regard que la personne porte sur sa propre histoire. L’ensemble de ces interactions construit son monde relationnel.
Dans un monde relationnel traumatique, les différents liens vont être infiltrés par la méfiance, la maltraitance, la peur de l’abandon, l’insécurité… Nous pourrions le comparer à une pièce, sans porte, ni fenêtre, dans laquelle la personne est enfermée, avec une unique lucarne pour échanger avec l’extérieur.
En s’appuyant sur le pouvoir thérapeutique de la relation, patient et thérapeute vont coconstruire un nouveau monde relationnel. Dans ce monde dit alternatif, plutôt qu’un changement, il s’agit d’une prise de position par rapport à la vie, par rapport à l’humain. Le patient se révèle ainsi comme auteur et acteur de sa vie. Les liens construits sont plus sécures, congruents avec ses valeurs et offrent une meilleure capacité d’adaptation. Au-delà de la résilience, cette thérapie accompagne le patient dans une CPT, c’est-à-dire un remaniement profond des liens qui donnent un sens nouveau à sa propre existence.
La CPT inclut la dimension temporelle et développementale. Elle questionne les liens entre histoire de vie et sens de la vie.
Nous préférons cette définition à celle de la résilience, en particulier dans les problématiques complexes, dans la mesure où la représentation de la résilience peut parfois prendre une dimension adaptative et identitaire.
Propos recueillis par le Dr Virginie Bardot